Texte d'hum-eur
L'écriture n'a jamais été mon fort, d'ailleurs je n'ai jamais bien compris ce que "mon fort" voulait dire. Déjà à l'école "les forts en thèmes" m'enjoignaient à renoncer à Homère et à virer de bord : de me tenir côté version, (comme on dirait côté cour), la jeunesse est sans pitié, elle vous attend à la virgule près. Mais je reconnais m'être sentie plus à l'aise dans la version, d'abord parce que le mot m'évoquait plus de rondeur que le vocable "thème" qui me suggérait une forme raide, anguleuse, pentue, donc "casse-figure" pour un traducteur déjà handicapé. Mais il ne m'a jamais semblé déployer quelconque force pour aller de ma langue dite maternelle (multiple) vers l'Autre (multiple). De là à affirmer haut que c'était mon fort... c'eût été une double usurpation, syntaxique et sémantique : ne sachant toujours pas aujourd'hui, ce que "mon fort" veut dire, comme d'autre vous direz l'air entendu : "ce que parler veut dire". Ma vocation de traducteur était donc compromise dès l'origine. Et comme cela me contrariait, je me suis tournée vers le traducteur que j'interrogeais sans relâche sur ces allées venues d'une rive linguistique l'autre, sur son état psychophysiologique : maintenant avec une double fermeté ne jamais ressentir la moindre "courbature" à se mettre à chaque fois dans l'esprit de l'un et de l'autre, de se désincarner ici pour se réincarner ailleurs... Cela relevait pour mon cerveau infirme du don d'ubiquité. Donner à l'une ce qui n'a pas de réalité chez l'autre. Logiquement, cette extension d'une langue à l'autre supposait une parfaite compréhension et de l'une et de l'autre, ce qui dément absolument la règle de "ce qui se gagne en compréhension se perd en extension", comme je perdais mon interlocuteur dans les méandres de mes questions, il me conseilla d'embrasser la philosophie et de continuer à me gratter la tête à souhait. Il pensait se débarrasser de ma simple personne : il a eu tort, j'ai serré la "traduction" jusqu'à ce qu'elle me dise tout ce qu'elle avait à me dire. Mais de là à avancer que j'avais mon fort pour décortiquer les concepts, cela reste à prouver...