Tristan Cabral : le passeur des Silences
Né à Arcachon en 1948, ce "passeur des Silences", s'est vu pousser des ailes de poisson volant, une lune bretonne et hongroise coiffait sa tête à sa naissance, destinée confiée à des luttes âpres, qui commence par le dégoût d'une Khâgne qui abima la littérature telle qu'elle lui fut enseignée en cette classe préparatoire, comment ne pas songer alors à une erreur d'orientation, pire,... le vent aurait-il souffler de travers ? Il amarre quelques années plus tard son esprit en "pays" cathare et dans le prophérisme cévenol après avoir embrassé le pastorat qu'il délaissera ensuite, et enseigne la philosophie au pays des arènes. Pendant les événements de 68, il est apostrophé par les services d'ordre et est interné. Gardien des silences, ceux des opprimés, à vingt ans il regarde déjà vers des pays où les vents soufflent fort : Iran, Turquie, Amérique centrale, Pérou, Bolivie,... il part et n'en revient qu'en 71 après avoir pris des positions tranchées au Kurdistan, puis en Irlande du Nord. Il dénonce les oppressions. dès la publication de son premier recueil, Ouvrez le feu, en 1974, et s'impose dans le paysage de la poésie contemporaine dont il se défend, niant toute forme d'appartenance à ce qui lui est "contemporain" : un vent singulier porte cette voix "chargée des tempêtes de l'histoire." "Il ne se fuit pas" (dira son éditeur du moment -les Éditions du Cherche Midi-et le premier à avoir "exhumé" la beauté de cette Messe des morts qu'il composa comme un hymne contre toute forme d'oppression, antidote puissant en quatre "actes" : "Exécutions", "exécrations", "expiation", et "absolution"), il va son propre chemin, celui qu'il aura construit en étant en route. En 1976, il est condamné à plusieurs mois de prison pour avoir "éconduit" l'Armée en participant à une entreprise de démoralisation...
Aujourd'hui, il partage sa vie entre Nîmes, Montségur, Istanbul, le Machu-Pichu, et d'autres rives encore... comme cela fut le cas déjà de bonne heure.
Il fut l'invité, il y a peu, (le 6 nov 2006), de Divergence FM > Radio Clapas, dans le cadre d'un débat autour de "l’affaire" Robert Redeker... aux côtés de Salim Mokadem, agrégé de philosophie, enseignant à l’Université Paul Valéry (Montpellier), auteur de nombreux articles sur Averroès, Husserl, Hegel, Bataille,.. compositeur, interprète, animateur d'une émission radio..., son Foucault. Une vie philosophique, rappelle que chaque position énonciative implique historiquement un discours de pouvoir : s'autorisant à légifèrer et à légitimer les pratiques sociales d'une époque déterminée. Foucalt aura été le premier à examiner les rapports entre les pouvoirs et les savoirs (épistémè) selon une approche archéologique ou microanalytique, reposant la question du rôle du philosophe dans "une configuration où le sujet est lui-même l’enjeu, l’objet, le dispositif, la fin d’une technologie d’assujettissement du vivant ? ", selon les propres mots de Salim Mokadem.
Deux de ces poèmes figurent sur le blog : Insurrection poétique, extraits de Passeur de silence à lire sin limitad...
- Le veilleur de silence
Je connais des pays qui s’endorment debout
D’étranges femmes seules y passent les mystères
J’y ai longtemps vécu de lentes agonies
Et je veillais les morts avec des armes blanches
Je connais des pays qui s’endorment debout
Où des aveugles marchent vers de fausses fontaines
Souvent des étudiants jouent à tirer au sort
Celui qui ira seul se brûler sur les places
Je connais des pays qui s’enterrent en silence
Les yeux éteints des loups y laissent des échardes
Et des villes sont rangées au plus profond des fleuves
Des visages s’y heurtent dans mon dernier visage
Et de grands enfants tristes plus vieux que le malheur
Brûlent avant de mourir leurs vêtements d’hiver…
Praha, Prague, janvier 1969,
ce poème fut écrit après le suicide par le feu
de Jan Palach que l'on pourrait reconnaître dans le héros de Nostalgia du maître Andreï Tarkovsky.
Ses oeuvres :
L'enfant de guerre, Le Cherche-Midi, 2002
La Messe en mort, Le Cherche-Midi, 2000
Mourir à Vukovar, Cheyne Editeur, 1997
Le Désert-Dieu, L'Alpha l'Oméga éditions, 1996
Le Passeur d'Istanbul, Editions du Griot, 1992
Le Quatuor de Prague, Editions de l'Aube, 1991
Chasseurs d'Aube, Le Centurion, 1991
Les Paris imaginaires, 1990
Etats d'urgence, La Vague à l'âme, 1989
Manifeste pour une VIè République, La Mémoire du Futur, 1988
Anthologie des poètes du Sud de 1914 à nos jours, Le Temps Parallèle, 1985
Le Passeur de silence, Editions La Découverte, 1986
La Nuit en poésie, Folio Junior, 1983
Anthologie des poètes insurgés, Lima, 1979
Et sois cet océan, Plasma 1981, Hachette 1984
Quand je serais petit, Plasma, 1979
Du pain et des pierres, Plama, 1977
Ouvrez le feu! Plasma 1974, Hachette 1979
Source : Le Printemps des Poètes |
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extrait |
A la mémoire de Jean Sénac et de Tahar Djaout (cf textes sur et de Jean Sénac ici-même) |
Tristan Cabral a publié une douzaine de recueils et traduit pour ne citer que ceux-là : Nazim Hikmet, Yannis Ritsos, Octavio Paz, Georg Trakl.