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Battants sur le toit
11 août 2007

« Les pensées de derrière la tête. On dit qu’un

« Les pensées de derrière la tête.

On dit qu’un homme a des pensées de derrière la tête quand il ne dit pas tout ce qu’il pense ou tout ce qu’il veut. C’est un cas très ordinaire et rien d’exceptionnel n’est signifié par cette expression. Celui qui dirait tout ce qu’il pense et déclarerait toutes ses intentions n’aurait que des pensées de devant la tête, des pensées de façade, si on peut dire et serait une sorte de monstre. Sa tête ressemblerait à une maison impossible, sans hauteur ni profondeur, sans toit, sans cave, sans escalier, sans propriétaire, où on ne pourrait s’étendre pour dormir qu’en mettant ses pieds et même ses jambes hors de la fenêtre, au scandale des personnes élégantes ou raisonnables qui passeraient dans la rue. On ne peut imaginer rien de plus absurde. En supposant qu’une telle demeure parût habitable à des malheureux accoutumés à l’étalage de leur misère, comment des gens dignes d’estime, n’ayant rien à se reprocher, pourraient-ils supporter de s’offrir en spectacle à tous ceux qui seraient tentés de regarder dans leur intérieur?

Un homme qui a des pensées de derrière la tête, au contraire, est simplement un individu sensé, habitant une maison bien aménagée, pourvue, par conséquent, d’un endroit retiré où il lui soit loisible de penser en sécurité, et d’un autre endroit, peu éloigné du premier, où il puisse obéir à certains appels de la nature, sans que personne en soit informé. L’idéal serait qu’il n’y eût qu’un seul endroit pour les deux fonctions qui paraissent avoir, dans ce cas, une mystérieuse et profonde conformité. Les spéculateurs et les sociologues me comprendront ! »

Léon BLOY

/ Exégèse des lieux communs / Mercure de France 1968
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Commentaires
K
Et que dire des pensées du fond des cranes et des mots au-travers de la gorge ... Je parlerais aussi des expressions au bout de la langue ou sur le bour des doigts ... Et soudain, rit à gorge déployée Nougaro ... Bien en invitation vagabonde, cette note, une ouverture aux grands espaces des mots décousus, sucrés, occultés ... Encore que pour avoir les pensées derrière la tête, mieux vaut avoir la panse - pleine ou vide - Va savoir ;-)
A
en grattant derrière la tête, le commun tombe!<br /> bises Alain
B
Surpris et ravi à la fois que tu publies un texte de Léon Bloy, un écrivain un peu dans l'oubli et pourtant que son éxégèse des lieux communs est "drôle"cet écrivain catholique n'avait pas l'esprit obtus, ni éxigu, mais bien bien aigu!<br /> à + alain
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