De Staël : La musique du silence
Le concert, 1955, Huile sur toile, 3,50 x 6 m, Musée Picasso, Antibes
De Staël : La musique du silence, celle vers laquelle tout musicien dans l'âme tend, De Staël n'aimait pas seulement la musique, il peignait "en musique" : Les Musiciens, souvenir de Sydney Bechet (1953), Les Indes galantes (1953), ne sont que des prétextes pour jouer à la manière d'un Webern, sur un mode atonal. Cette toile d'un "Pierrot lunaire" signe l'avant-dernière scène d'un théâtre en trois actes. un premier acte en rouge et noir, toujours ce rouge impérial et en péril d'où "se détachent" encore la masse sombre d’un piano et à l'extrémité un ocre jaune, plutôt une terre de Sienne brûlée pour figurer une contrebasse parfaitement droite (faisant contrepoids au piano) , entre les deux se jouent une tragédie antique avec un choeur sans visage faisant voler en éclats pupitres et partitions dans un blanc gris diaphane qui annonce le dernier acte : le silence. La scène a été désertée depuis longtemps, des siècles sans doute, sur les ruines d' Agrigente, par toute présence humaine, les instrumentistes ont définitivement quitté cette scène-là, ils ne reviendront pas, le silence est tombé comme le rideau rouge au dernier acte, en silence.
Dans La Peinture cubiste, Jean Paulhan souligne qu’en anglais, "natures mortes" porte le nom de “silences”, temps suspendu à l'arrêt, main inerte au-dessus du clavier que l'on devine dans ce dernier concert qui n'aura " lieu" qu'en dehors de la toile, depuis une fenêtre happée par le silence. Silence.