Klee pas à pas
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Son oeil souspèse, apprécie les dosages chromatiques qui composent chaque couleur. On lui doit cette phrase en introduction à Sa confession créatrice : "L'art ne peint pas le visible, elle rend visible..." |
Quartier de Saint-Germain en bordure de Tunis : «Les couleurs ne jouent pas à une voix... mais dans une sorte d’accord à trois voix.» Ces considérations ont été consignées pendant la durée où il enseigna entre 21 et 22 au Bauhaus de Weimar. Cette notion de polyphonie appliquée aux accords de couleurs lui est apparue de façon presque naturelle : il appartenait à une famille de musiciens et pratiquait lui-même le violon à un haut niveau.
Lorsque Klee se met à peindre, il aborde la couleur avec une infinie précaution, voire une certaine timidité ou extrême discrétion. Il en fait une utilisation très parcimonieuse, en tous cas très mesurée... ses études se limitent à la tonalité de quelques couleurs, les rouges, les bruns et des verts sans éclat. A partir de 1913, il s'aventure dans l'exploration du spectre chromatique (primaire) et se met à jouer de contraste en manipulant les complémentaires... Il semble s'être affranchi d'une certaine monotonie et s'éprend des études de Delaunay. Mais c'est au contact du Sud que Klee se trouve directement confronté à la sensualité de la lumière. A son retour, il emporte dans ces bagages une série d'aquarelles, sans jamais lâcher le dessin qui lui sert d'esquisse, mais la peinture est là! Et la leçon de Delaunay qu'il ne cessa de méditer fut un formidable levier pour la mise en oeuvre de son propre langage pictural. Il suffit de regarder cette aquarelle ci dessus pour sentir ce libre jeu entre les couleurs froides et chaudes, entre les couleurs complémentaires et cette stratification inégale qui donne une impression de grande spontanéité. La composition semble se créer d'elle-même, comme une improvisation mélodique. Très vite, il atteint à une grande maîtrise de l’huile qu'il n'avait jamais osé toucher. Ses compositions se font plus abstraites, sa gestualité plus ample et plus libre.
Ce sentiment dynamique qui se dégage de plus dans sa peinture repose toute sur cette mise en rapport systématique entre l'énergie individuelle et l'énergie cosmique. Sa partition est composée.
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