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Battants sur le toit
24 septembre 2006

Klee pas à pas

«La couleur me possède... la couleur et moi sommes un. Je suis un peintre", écrit Paul Klee dans son Journal pendant son séjour décisif en Tunisie.

Avant ce voyage, qui fut déterminant, Paul Klee considérait la couleur comme un phénomène purement théorique. Ce n'est que sous le soleil de la méditerranée qu'il en éprouve la puissance émotionnelle.
«Les différences entre le rouge et une couleur qui n’en contient pas sont si grandes! Mais ce qui m’intéresse, ce n’est pas de me demander ce qu’est le rouge, mais plutôt ce qui n’a pas de rouge.»

Son oeil souspèse, apprécie les dosages chromatiques qui composent chaque couleur. On lui doit cette phrase en introduction à Sa confession créatrice : "L'art ne peint pas le visible, elle rend visible..."

klee_paul_saint_germain_near_tunis_8300023

Quartier de Saint-Germain en bordure de Tunis :  «Les couleurs ne jouent pas à une voix... mais dans une sorte d’accord à trois voix.» Ces considérations ont été consignées pendant la durée où il enseigna entre 21 et 22 au Bauhaus de Weimar. Cette notion de polyphonie appliquée aux accords de couleurs lui est apparue de façon presque naturelle : il appartenait à une famille de musiciens et pratiquait lui-même le violon à un haut niveau. 

Lorsque Klee se met à peindre, il aborde la couleur avec une infinie précaution, voire une certaine timidité ou extrême discrétion. Il en fait une utilisation très parcimonieuse, en tous cas très mesurée... ses études se limitent à la tonalité de quelques couleurs, les rouges, les bruns et des verts sans éclat. A partir de 1913, il s'aventure dans l'exploration du spectre chromatique (primaire) et se met à jouer de contraste en manipulant les complémentaires... Il semble s'être affranchi d'une certaine monotonie et s'éprend des études de Delaunay. Mais c'est au contact du Sud que Klee se trouve directement confronté à la sensualité de la lumière. A son retour, il emporte dans ces bagages une série d'aquarelles, sans jamais lâcher le dessin qui lui sert d'esquisse, mais la peinture est là! Et la leçon de Delaunay qu'il ne cessa de méditer fut un formidable levier pour la mise en oeuvre de son propre langage pictural. Il suffit de regarder cette aquarelle ci dessus pour sentir ce libre jeu entre les couleurs froides et chaudes, entre les couleurs complémentaires et cette stratification inégale qui donne une impression de grande spontanéité. La composition semble se créer d'elle-même, comme une improvisation mélodique. Très vite, il atteint à une grande maîtrise de l’huile qu'il n'avait jamais osé toucher. Ses compositions se font plus abstraites, sa gestualité plus ample et plus libre.

klee_paul_camel_in_rhythmic_wooded_landscape_9952166

Ce sentiment dynamique qui se dégage de plus dans sa peinture repose toute sur cette mise en rapport systématique entre l'énergie individuelle et l'énergie cosmique. Sa partition est composée.

La découverte de la couleur

«Il interprète à sa manière la théorie de la lumière et de la couleur de Robert Delaunay et en fait sa propre poétique picturale. Mais en même temps, il procède à des expériences empiriques pour élargir l’échelle de l’interaction des couleurs, comme les contrastes complémentaires ou les contrastes entre couleurs chaudes et froides», explique Michael Baumgartner.

En somme, l’artiste Klee fait un travail intuitif et émotionnel sur les couleurs, mais son bagage méthodologique lui sert aussi pour mener une recherche théorique très poussée.

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Commentaires
M
vous postez quoi donc? des polésies ?<br /> tant mieux, j'aime bien les lire.<br /> si c'est pas des polésies, tant pis, je ne sais pas de quoi vous causez.<br /> et merci pour votre appréciation, c'est très gentil.
A
Comme je cultive "l'ataraxie" dans la "proscratination", (un toc bien connu:)), je suis en retard sur toute la ligne... demain je j'en poste quelques unes, j'y ai un peu réfléchi quand m'aime...<br /> Bien à vous et c'est un bonheur de lire vos définitions jusqu'à la pénultième...<br /> Bien à vous!
A
Cet art consommé de la composition que j'ai nommée strates pour ne pas "répéter" la métaphore musicale, cette mosaïque inégale est crétrice de mouvement, clignez des yeux vous verrez les masses qui structurent le "paysage", une fugue de couleurs alternant entre le chaud et le froid n'est pas le fruit du hasard mais l'entière maîtrise de la portée, au point de se permettre des écarts de tons... Votre commentaire mérite que je grimpe quelques marches pour dire les choses depuis mon toit:)<br /> Merci à vous Marie, <br /> Bonne journée.<br /> P.S. : Il aimait les villes médiévales...
M
intuitif et émotionnel, sans doute, je n'y connais rien. ce qui me frappe, avant même les couleurs sur ces deux tableaux, c'est la prédominance de la géométrie, juste assez torcidée pour la rendre attrayante. un peu comme quand on regarde une mer de toits du haut des villes médiévales. Par petites touches,tout à l'air mélangé, déstructuré, et pourtant, la cohérence des lignes est bien là.
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