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Battants sur le toit
20 octobre 2006

Cela va-t-il de soi ?

"Laissez faire, laissez passer, le monde va de lui même", cette phrase sans âge, de Gournay en avait fait sa devise, mais une ombre plane à haute altitude sur ladite formule, personne ne sait quand exactement Vincent de Gournay, l'auteur de ces mots (?), les aurait prononcés. La rumeur, comme toujours, dont les "on" sont des acteurs capricieux qui ne pactisent pas avec le temps et ne supportent pas d'interrogation ouverte ou pas, elle raccommode les ajours, réduits les fractures et professe que cette sentence fut entendue à l'occasion d'un discours de 1758, mais de preuve nul ne dispose. Tout n'est qu'indices et présomptions innocentes sur le rivage des sources."Personne ne peut être sûr de tirer le plus grand profit de son travail, s'il n'est pas libre de le faire comme il l'entend, s'il est soumis à une inquisition et à des formalites gênantes. Tout impôt sur le travail ou sur le voiturage, entraîne des inquisitions et des gênes qui dérangent le commerce, découragent et ruinent les Commerçants ; il faut donc affranchir leurs travaux de ces impôts... Laissez-les faire et laissez-les passer" fait écho chez l'un de ses contemporains, en ces termes.
Un autre admirateur lui consacrera un Eloge. Mais là encore, rien de consistant sur les raisons qui auraient conduit l'auteur de cette maxime à la "promulguer", lors elle était devenue populaire au sens littéral.

Or, cette formule au parfum de déjà entendu, comme tous les évidences, ne fut, à l'évidence, pas sans précédent. John Maynard Keynes s'entiche de l'expression qu'il adresse sous forme anonyme au Journal des Economistes, en 1751 : "
The maxim "laissez-nous faire" is traditionally attributed to the merchant Legendre addressing Colbert some time towards the end of the seventeenth century. ("Que faut-il faire pour vous aider?" asked Colbert. "Nous laisser faire" answered Legendre). But there is no doubt the first writer to use the phrase, and to use it in clear association with the doctrine, is the Marquis d'Argenson about 1751... The Marquis was the first man to wax passionate on the economic advantages of governments leaving trade alone :
- Pour gouverner mieux, il faudrait gouverner moins.
- La vraie cause du déclin de nos fabriques, c'est la protection outrée qu'on leur accorde.
- Laissez faire, telle devrait être la devise de toute puissance publique, depuis que le monde est civilisé. Détestable principe que celui de ne vouloir grandir que par l'abaissement de nos voisins! Il n'y a que la méchanceté et la malignité du coeur de satisfaites dans ce principe, et l’intérêt y est opposé. Laissez faire, morbleu! Laissez faire!!"

Dans son The end of the Laisser-faire, (The Collected Writings of John Maynard Keynes), le fameux économiste
prend sa revanche sur les doctrines (concurrentes) qui prônent le protectionnisme et le marxisme, en voici l'argumentation partielle : "Both are examples of poor thinking, of inability to analyse a process and follow it out to its conclusion. ... Of the two, protectionism is at least plausible, and the forces making for its popularity are nothing to wonder at. But Marxian socialism must always remain a portent to the historians of opinion - how a doctrine so illogical and so dull can have exercised so powerful and enduring an influence over the minds of men and, through them, the events of history. At any rate, the obvious scientific deficiencies of these two schools greatly contributed to the prestige and authority of nineteenth-century laissez-faire."

J'ai pu également relever cette expression chez Balthazar Gracián auquel j'avais fait allusion dans un post antérieur au sujet de L'homme de Cour, à plusieurs reprises : L’art de laisser aller les choses comme elles peuvent prend son sens dans la phrase suivante : "Tant qu'on laisse faire la nature, on ne doit rien craindre de pareil". La problématique renvoie constamment à l'usure.
Mais Lao-Tseu préconisait déjà cet art du laissez-faire qui fut appliqué à tous les arts martiaux, le Tao Te king regorge de formules référentes. Et déjà il conseillait l'empereur dans le sens de cet allègement des charges... qui grevait le peuple. Il est urgent de laisser faire en certaines circonstances mais de là à systématiser la formule... Laissons aller la formule et voyons ce que les autres en feront.

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