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Battants sur le toit
17 janvier 2007

La première biographie sur Duchamp en Français

Judith Housez était l'invitée de France Inter, hier, pour la sortie de sa biographie (son premier ouvrage) sur Marcel Duchamp, cette jeune productrice de cinéma nous entretient sur le Duchamp connu de tous, mais surtout sur "cet homme de siècle" qui, selon sa propre formule, indique que Duchamp était d'abord un homme du XIXè siècle ayant embrassé le XXè siècle jusqu'en 68, s'étant frotté à toutes les formes de techniques qu'il avaient rencontrées, sans sacrifier une parcelle de son indépendance d'esprit (ce qui est un pléonasme). Nous connaissons tous l'inventeur du "ready-made ", de Rrose Scélavy, de la fameuse Joconde rehaussée d'une moustache, outrageusement (?) rebaptisée LHOOQ, l'auteur, surtout, de l'un des plus grands scandales du XXe siècle, qui éleva l'urinoir au rang d'œuvre d'art par la double opération et de mise ne scène dans un lieu "attitré" à l'art et par la renomination de l'objet. Et pourtant, que sait-on de lui ? Ce qu'on en savait avant que cette première biographie en français lui soit consacrée.

2_rouebicyclette_2_ Roue de bicyclette.

A sa mort, en 1968, à l'âge de 81 ans, son décès est annoncé dans Le Figaro dans un entrefilet sous la rubrique " échecs", et pour cause : cette passion pour ce jeu, Duchamp l'avait contractée dès l'âge de cinq ans et s'était fait remarqué dans le milieu. Outre-Atlantique : sa mort a fait la Une du New York Times qui lui rend hommage par un portrait se dédoublant à l'infini à l'image d'une vie en constante ébullition, riche en voyages, en rencontres et en amitiés durables avec Picabia, Man Ray, Alfred Stieglitz, Brancusi, une vie non moins riches en conquêtes amoureuses, ravissant la femme de son grand ami Picabia, Duchamp ce grand "célibataire" amoureux de liberté, fut par deux fois vaincu : il épousera en secondes noces l'ex-femme de Pierre Matisse, le fils d'Henri Matisse.

Comme le veut toute biographie, elle situe l'enfant Marcel dans son milieu socio-familial : ce fils de notaire rouennais était le cadet d'une fratrie d'artistes, parmi lesquels l'on compte Jacques Villon, Suzanne Duchamp, et le sculpteur Raymond Duchamp-Villon, c'est avec eux qu'il il fait ses premières armes en peinture. Héritier de Jarry, on lui connaît un goût immodéré pour la lecture de Alphonse Allais (http://ourworld.compuserve.com/homepages/bib_lisieux/allais.htm), qu'il mimait en ses loufoqueries verbales, de Nietszche et de Raymond Roussel tout aussi bien. Eclectique ou plutôt d'une vive curiosité comme en témoigne sa fascination pour l'objet industriel, pour ce système de production en série qui a donné naissance au ready-made, pour toutes les technologies qui avaient pour objet le mouvement et la vitesse - le rayon X, la quatrième dimension, les chronophotographies d'Etienne Jules-Marey, Duchamp avait un gros appétit, était un gros mangeur de connaissances.

A 26 ans, il abandonne la peinture : il décrète en avoir fait le tour et s'autoproclame dans le même laps de temps : "anartiste". Il cherche à faire prévaloir l'idée de " beauté d'indifférence " sur le (bon) goût, celle d'exécution au dépens de la création,  donne un grand coup de pied dans le monde de l'art : poussant le défi jusqu'à renverser le statut de l'artiste comme on déboulonne une statue sur la place publique. Breton avec sa sagacité naturelle le nomme le  "phare du surréalisme" : ces machines optiques, ancêtres de l'art cinétique sont des pièces d'avant-garde, mais leurs brevets n'obtiennent aucun succès, cet ingénieur surdoué est ignoré de ses contemporains. Pour les Etats-Unis, il passe par un ambassadeur de l'art contemporain. Certaines anecdotes prennent tout leur sens lorsque Judith Housez explique, par exemple, que Duchamp s'est fait connaître des américains à l'occasion d'une exposition cubiste avec son Nu descendant l'escalier (ci-dessous)escalier_1_ marcel_1_: une étude du mouvement dans une décomposition toute cubiste, qu'il avait une première fois renoncé à exposer aux côtés de ses amis lors du Salon des Indépendants. Il était au seuil du renoncement déjà et disait ne plus vouloir peindre et retourner à ses chers échecs. Mais voilà, cette oeuvre heurte la sensibilité et du public et de la critique : c'est du jamais vu ! Son oeuvre produit sur la société américaine d'alors l'effet du Déjeuner sur l'herbe de Manet ; pour l'artiste et ses amis c'est l'incompréhension générale. Ce pur exercice avait remué -comme il l'a dit plus tard- le goût du moment : "L'art est faire, et n'est pas affaire de goût." Plaire ou ne pas plaire : la question ne se pose pas pour l'artiste. Il rajoutera : "L'artiste ne doit pas chercher à comprendre ce qu'il fait, cela appartient aux autres de le découvrir". Cet entretien nous apprend que contrairement aux idées reçues il aimait à se faire passer pour un paresseux, ce qui est absolument vrai et faux, travailleur acharné, il s'est accordé deux années pour ne jouer qu'aux échecs.

Cette biographie présentée par l'auteur montre une réelle aisance à passer de la vie de l'homme à celle de l'artiste pas toujours bien distinctes... , elle a surtout le mérite d'être la première en France.

http://www.rolandcollection.com/home.aspx#D148

Ce lien renvoie à une émission qui fut enregistrée à Cadaquès peu avant sa mort, Duchamp nous entretient de son travail  : "J'ai renoncé aux pinceaux et exploré l'esprit plus que les mains". Ce document est à l'image de Duchamp : drôle et riche en enseignements. Premier plan : "l'Art" ou exploration des premiers dessins et peintures, de sa période cubiste, comprenant : le Nu descendant l'escalier et La mariée mise à nue par les célibataires / Même / Le Grand Verre ; deuxième volet :  "L'Objet et le Geste" ou "readymade reciprocals" de sa période dadaïste, le denier volet traite de : 1 La Chute d'eau, 2 Le gaz d'Eclairage, de cet assemblage multi-média de différents matériels, techniques et formes, qui fut exposé au Philadelphia Museum of Art en 1969. Construit pour être vu uniquement par une personne à la fois, il a été réalisé en secret dans les dernières années de la vie de Duchamp. L'approche en images que fait Lewis Jacobs de cet artiste reflète l'énergie et l'humour de Duchamp. En utilisant de nombreux collages, une documentation sur son oeuvre, des photographies et des rushes de l'artiste, il apporte un complément visuel au fascinant dialogue de Duchamp.

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