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Battants sur le toit
21 juillet 2006

Soutine : un boeuf sur le toit

131Soutine_1_Enfant ou autoportrait, Chaïm Soutine

Soutine : un boeuf suspendu sur le toit

Quand je dis que Soutine est le premier des Fauves, j'entends qu'il est pleinement dans la couleur mais qu'il y est pleinement pour une raison qui échappe souvent tant ses rouges, ses verts sont cinglants, mais regardez-y de plus près et vous verrez qu'il y a dans ses toiles une lumière particulière à ces après-midi finissants qui se faufile dans les nervures nerveuses de ces rivières vertes, traversant ces flaques de sang, qu'une blancheur éblouit. Soutine est un peintre du blanc, de ces blancs légèrement froids légèrement bleutés qui électrisent la couleur ; car comme chacun sait la couleur n'existe que dans un rapport de contiguïté avec sa voisine, le contraste se joue dans cette frontière qui "sépare" l'une de l'autre et lui donne vie? Si les verts et les rouges de Soutine sont uniques, ils ne le doivent qu'à cette introduction d'un blanc minutieusement choisi. Le seul tableau où le blanc dévore l'espace de la toile est celui qui représente le Pâtissier avec sa toque et sa blouse d'une lumière étourdissante... J'ai péché par omission : Soutine a peint d'autres toiles en blanc, mais cette occultation inconsciente vient de ce que j'ai été captive des mains du pâtissier, les mains sont le visage, tout le visage se réfléchit dans ces mains-là... je ne pouvais plus m'en détacher, c'est un peu comme dans le portrait de Hortense de Cézanne, les mains, ce sont elles qui donnent du "poids" au tableau. Il faut toujours s'exercer à retrouver le centre de gravité d'un tableau, en identifiant les lignes de forces... Et chez Cézanne les mains disent tout le visage, elles en ont l'expression... preuve à l'appui, ci dessous quatre oeuvres : deux de Chaïm et deux de Paul, comparez... je reviendrais sur le blanc de Soutine, car la seule reproduction qu'il ne quittait pas du coin de son oeil "torve" (le qualificatif n'est pas de moi, mais l'ayant trouvé retors, je n'ai pu m'empêcher de la relever) était celle de son maître Rembrandt, eh oui, cela se passe comme cela chez les zallumésdelapeinture, ce n'est pas les siècles qui les empêchent de se rencontrer et de se comprendre... Je ne suis qu'au tout début d'un récit dont je ne sais trop où il va me conduire, à la peinture je l'espère, mais connaissant mes prédispositions pour la digression qui n'en est jamais une puisqu'elle a le don de me ramèner invariablement à mon point de départ, à moins qu'il n'y ait un blanc dans mon esprit, je ne quitterais pas de vue mon sujet encore vierge. PS : Soutine était frugal (il ne mangeait qu'un jour sur trois) sauf en peinture, car détruisant beaucoup, mais créant encore plus, tout son maigre budget passait dans l'huile, à l'instar de Van Gogh qui, anémié, lançait à son frère Théo des appels désespérés : je n'ai plus de quoi donner à manger à ma peinture. J'eus aimé avoir un frère, un père ou une mère qui s'appelaient Théo, j'aurais sans doute continuer à me vautrer dans la peinture comme une bête, mais la foi en l'autre voilà la grande affaire... Soutine a 23 ans criait famine mais il avait trouvé des mécènes pour entretenir sa seule maîtresse, la peinture... qui lui a survécu pour notre bonheur. C'est aussi simple que cela chez les zallumésdelapeinture, c'est beaucoup beaucoup d'amour, sans quoi bye bye lover!

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