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Battants sur le toit
23 août 2006

Corrida et chorégraphie

conflecos_1_

La corrida répond à des règles extrêmement précises qui, même quand elles ont été apprises dans la plus pure orthodoxie, ne peuvent prétendre élever à la compréhension de ce qu'il en est de cet art, car la question fondamentale est de savoir ce qu’il faut regarder. Cette phrase dans son apparente simplicité ouvre une myriade de paradoxes : où doit se destiner le regard quand on sait par ailleurs que la corrida est multiple, puisqu'il n'existe que des corridas, et qu'il serait vain , voire prétentieux d'envisager une ontologie de la corrida? On pourrait traiter la corrida sur un mode anthropologique selon Kant posant les paradoxes obligés de ce qu'il en est de la vision des spectateurs qui auraient assisté au même spectacle? Sans doute, cette question ne se réduit-elle pas à la seule corrida mais s'étend à bien d'autres champs où le regard est en jeu. Je ne citerai qu'un exemple mais sur lequel il y aurait beaucoup à dire, à savoir la métaphore taurine dans la construction de l'image dans le cinéma d'Eisenstein... Ce sont ces paradoxes qu'il nous faudra tenter de formuler pour approcher cette chorégraphie "explosive-fixe" d'Israel Galvan. Mais c'est peut-être en se penchant d'abord sur ce flamenco réinfanté que nous pourrons nous rendre à rebours à la corrida, si la corrida appartient à "ces arts que l’on dit sans œuvre", il en découle une certaine oscillation quant à son statut, qui hésite – toujours selon le régime de la dépense et de l'économie – entre ritualité  et divertissement populaire. Si l'on admet que cet art ne produit aucune oeuvre comme cela l'a été souvent dit. De quoi s'agit-il?  D'un art mineur? Dire cela ce serait s'avancer vers le taureau les yeux fermés... dans l'ignorance de ce qu'il représente. Nous ne sommes pas au centre d'une fête païenne ou d'un rituel sacrificiel, idée à laquelle s'adosse les néophytes de la corrida. L’événement tauromachique est toujours rituellement encadré, et telle faena de tel maestro s'inscrit au sein d’un ensemble de savoirs constitués. C’est cet encadrement rituel et cette historicité bien particulière (essentiellement orale) de la corrida qui nous interdit d'en parler comme d'une simple messe macabre mais au contraire de l'envisager comme un spectacle chorégraphique. Pedro Cordoba, maître de conférence à l’université Paris-IV Sorbonne, écarte toute conception ritualiste de la corrida lui déniant tout sens « tragique », entre la sublimation (des pulsions) et la catharsis (des passions), il n'y a pas selon lui concordance. C’est peut-être cette « exemption du sens » dont parle R. Barthes qui, plus encore que le spectacle de la mort, rend la corrida iincompréhensible à une une modernité désespérément en « quête de sens ».

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