un peu de dévotion....
Il est des mots qui sont comme des « minerais de rêves » et qu’il nous faut approcher avec d’infinies précautions, surtout lorsqu’ils nous invitent à faire notre devoir sans jamais rechercher quelconque mérite ni récompense qui se compterait en poids de plaisir contrairement à ce que nous en dit Bourdal,in Pensées, t. I, p. 397. Ce mot pour le comprendre suggère de la part de ceux qui l’interrogent la même dévotion que ceux qui prétendent en être les dépositaires. Dépositaires, cela ne se peut. Se dire être dévoué, ne peut traduire un état, et suppose un objet. On ne peut concevoir ce mouvement sans le présupposé d’une entière disponibilité, on peut alors entendre la phrase de madame de Maintenon dans une lettre de 1683, non sans une certaine ironie mêlée de sympathie : « Je ne suis point dévote, mon cher frère ; mais je veux l'être ; je suis persuadée que la dévotion est la source de tout bien », c’est reconnaître la noblesse cette édifiante qualité, au point qu certains s’y jettent à bras raccourcis, à cœur ouvert, à pieds joints, au point qu’un auteur s’est avancé à dire : « Je ne connais pas de meilleure école de logique et de dévotion philosophique que les polypes et les animalcules des infusions ». On peut se demander si l’auteur de ces mots infusés de dévotion n’avaient pas prêcher le vrai pour débusquer le faux. Car ce dernier n’a pas boudé la scène du XVIIème siècle, partout présent, y compris dans les sacro-saints couloirs où il déambule en grande pompe, assuré de son impunité, il n’hésite pas au nom et pour la gloire du ciel à « faire servir la piété à son ambition, aller à son salut par le chemin de la fortune et des dignités, c'est du moins jusqu'à ce jour le plus bel effort » dont il se montre capable, je surenchéris sur la formule de La Bruyère toujours dévoué lorsqu’il s’agit de dépeindre l’universel caractère de ses proches. Tant de dévotion à l’égard de son prochain ne l’a pas édifié, mais a eu le mérite indiscutable de dénoncer l’hypocrisie régnante et de rétablir la sainte vérité… Et comme notre Corneille national n’était pas très ami de la fausse vertu, il recommande avec une insolente simplicité dans son Imitation: « en ces jours consacrés à la dévotion, il faut mieux épurer l'oeuvre et l'intention « . Il n’est pas rare de rencontrer sous la plume de grands auteurs une sorte de ligne de partage entre les petites et les grandes dévotions. Dans Les Lettres persanes, Montesquieu parle de faire ses dévotions pour « remplir ses devoirs religieux à certaines époques de l'année ». Mais Saint-Simon évoque pieusement que « l'offrande est à dévotion, on donne ce qu'on veut à l'offrande. À l'offrande, qui a dévotion, c'est-à-dire que celui qui a dévotion aille à l'offrande, en d'autres termes, va qui veut à l'offrande. », nous voilà bien avancés… Il nous avait pourtant semblé que ce mot bien maltraité ne souffrait ni limites ni même répit, encore moins permission de sortie, et pas d’abri particulier : si l’universelle dévotion a encore un sens après toutes ces déviations…brutales, je veux bien me dévouer...
Pour Marie qui excelle dans son dictionnaire... et que mon maigre tribu ne saurait apporter un supplement de sens...