Bleu
Bleu
C'est à se demander si le bleu n'est pas un leurre, les peintres le savent (pas toujours) : le ciel est rose. Inventé tardivement, le bleu est savant, on ne le ramasse pas dans les fougères. Rareté oblige : on le pare de lettres de noblesse. Il fait la réputation des vitraux, accueille la lumière extérieure et celle du Grand Dehors, on s'y recueille avec la piété qu'elle inspire, et l'on veut croire que sa présence est double. Descartes avait dû y toucher Il se fait persan sous nos pieds paysans, points de soie noués par milliers pour le plaisir de l'oeil et du toucher, il incite ou invite à luxure. Le bleu est royal, ornemental, il décore les porcelaines rares de l'empire du Levant, gloire solitaire qui pourtant en est une, divin bleu qui imite la voute céleste, sacrilège de son effritement, le bleu doit résister au temps, chapelle intemporelle où nos yeux suspendus sont prêts à recevoir la Main qui se tend. Quand il se nomme outremer, on s'attendrait à ce qu'il crée un climat, un effet inattendu, c'est en réalité un bleu sans histoire et qui aimerait bien en vivre une, un bleu en attente d'un autre bleu. Le bleu est aussi le point ultime de l'hémorragie, quand le sang a cessé de voyager dans nos intérieurs.Tant que vous êtes encore "un bleu", vous êtes encore novice, apprenti, népohyte... ne cherchez pas à faire du zèle, vous en prendriez pour votre grade.
PS : je n'en ai pas fini avec le bleu... loin de là!
II