Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Battants sur le toit
15 août 2006

L'homme qui marche

S'agissant de l'oeuvre de Giacometti, on ne peut faire l'économie de l'énorme ouvrage que le poète et essayiste Yves Bonnefoy lui a dédié. En outre, un très beau texte de Jean-Michel Maulpoix ne manque pas de nous rappeler à l'occasion ce travail de "tâcheron du temps", ce qu'il en est de tout travail de biographie. Je cite Jean-Michel Maulpoix, à cet effet : " Composer la biographie d'une oeuvre consiste à renverser la perspective et à concentrer l'attention moins sur les péripéties de l'existence du créateur que sur les objets durables en lesquels elle s'est convertie et parfois délivrée d'elle-même. C'est écrire, plutôt que la vie d'un être éphémère, celle de ses successifs rendez-vous avec ce que Malraux eût appelé sa "part d'éternité". C'est, pour le biographe, inscrire son propos à la jointure entre la vie subie et l'action décidée, lesquelles se confrontent plus qu'elles ne s'expliquent". Cette phrase me rappelle celle, mille fois prononcées, de celui qui nous disait commentant telle sculpture ou telle toile : ce qui est premier et à quoi il faut toujours revenir, c'est l'oeuvre, l'oeuvre dans sa réalité matérielle ; tendre l'oreille, accommoder sa vision, et s'en approcher le près possible, sachant que ce que nous "atteindrons" défiera nos attentes...  Nous voici devant L'homme qui marche, peut-on encore parler de statue devant ce corps à la forme "méconnaissable", devant un corps qu'aucune forme régulière n'enveloppe? Nous sommes devant un agrégat de matière accidentée, triturée, telle une stalactite décharnée, dont on se demande quelle tension en assure et le maintien et la force dynamique... On comprend dès lors que Giacometti n'a travaillé que dans le souci de la "charpente", tournant le dos à ce qui jusqu'à lui obsédait le sculpteur : l'opulence des chairs. La chair n'a jamais été -si l'on en croit l'ensemble de son oeuvre- sa préoccupation première ou plutôt elle ne l'a été que pour mieux l'"annuler" ou la désagréger. La présence est ailleurs, dans l'apparition même de ce corps qui semble naître là sous nos yeux. On pourrait penser que Giacometti avait les yeux fermés quand il travaillait ses corps, qu'il ne travaillait qu'avec ses seules mains, "en braille", si l'on peut oser cette expression, fouillant, pétrissant, concassant, creusant, comblant la matière qu'avec ses seules mains... Dans de ce flux grouillant d'accidents, ce qui fouette le regard du spectateur c'est cette présence immédiate au détour d'une allée à l'UNESCO d'un homme seul, absolument seul, qui marche...

L_homme_qui_marche  D.R.

Publicité
Commentaires
Publicité